Article paru dans La Dépêche le 18/11/2024 sur la pollution au plomb dans notre quartier.

Pollution au plomb à Toulouse : « Que le pollueur paye » ! Deux cas de saturnisme infantile révélés.

Les habitants du quartier des Minimes et de la Barrière de Paris, concernés par une contamination au plomb, attendent toujours le plan de gestion des sols de la préfecture.
Dans la ville d’AZF, la plus grosse catastrophe industrielle française de l’ère
moderne, la question des risques technologiques en zone urbaine, ne saurait être mise sous le tapis. Pourtant, les riverains de l’ancienne usine STCM (société technique et commerciale de manutention), fermée il y a quatre ans sur la zone de Fondeyre, au nord de Toulouse, attendent toujours de savoir comment leur environnement quotidien, contaminé au plomb par les effluves d’un site longtemps dévolu au recyclage de batteries (20 000 tonnes par an), va être dépollué et surtout à quelles conditions. « On avait déjà contesté la dépollution du site de l’usine, lui-même, où l’on s’est contenté de ramener la concentration de plomb à 1 gramme par kilo de terre, avant de recouvrir le sol d’une couche isolante, rappelle Serge Baggi, le président du comité de quartier Minimes-Barrière de Paris. Ce qui est revenu à abandonner 100 tonnes de déchets sur place au lieu des 200 tonnes qui auraient dû être enlevées. Et nous demandons aussi des analyses complémentaires dans un rayon plus large que le périmètre problématique retenu à l’extérieur de l’usine, qui ne tient pas compte, selon nous de la globalité de la pollution aux alentours ». De fait en octobre 2022, l’Agence régionale de Santé (ARS) et la préfecture ont publié un communiqué indiquant qu’une concentration en plomb pouvant dépasser les 300 milligrammes par kilo de sol avait été relevée aux alentours du site. « En fonction des vents, cette pollution peut aller jusqu’à 700 mètres autour de l’ancienne fonderie. En revanche, les relevés dans l’air et l’eau n’ont pas détecté de poussières de plomb », précisaient, alors, les pouvoirs publics, qui ont lancé aussitôt une surveillance sanitaire et une enquête épidémiologique sur un périmètre où la concentration du métal est supérieure à 100 milligrammes par kilo de terre. Soit, une superficie de 250 hectares avec 12 000 personnes concernées, six établissements scolaires, trois crèches et un institut médico-éducatif. « À l’arrivée, la zone d’intervention retenue pour une dépollution a été réduite au tiers de cette surface, là où les concentrations sont supérieures à 300 milligrammes, précise Serge Baggi. Cette zone englobe près de 90 habitations, individuelles ou collectives, et on ne sait toujours pas ce qui va être décidé pour ces populations ». Si une campagne de prélèvements a été effectuée chez les riverains concernés en début d’année, le plan de gestion des sols pour la dépollution qui devait être dévoilé cet été est toujours dans les cartons. « Vont-ils changer la terre, les habitants seront-ils indemnisés et sur quels critères ? On craint que ce soit au cas par cas, confie le président du comité de quartier. Ce qui est sûr, c’est que le pollueur doit être le payeur. Il est hors de question que ce soit à la charge du contribuable. D’autant que la STCM dépend du groupe Quexo, l’un des leaders mondiaux du plomb ». La balle est dans le camp de la préfecture, mais Serge Baggi prévient : « Si le plan n’est pas satisfaisant, nous sommes prêts à engager des actions en justice ». À bon entendeur…

« Si le plan n’est pas satisfaisant, on est prêts à aller en justice »
La société technique et commerciale de manutention STMC a-t-elle empoisonné en silence des dizaines de milliers de Toulousains depuis les années 50 ? C’est la question qui se pose après la fermeture, il y a quatre ans, de cette usine, d’abord fonderie de plomb entre 1952 et 2011, avant de se spécialiser dans le broyage de batteries. Fin 2022, l’agence régionale
de Santé (ARS) a mis en place une surveillance sanitaire et une enquête épidémiologique autour de l’usine, un périmètre concernant 12 000 habitants, où la concentration du métal est supérieure à 100 milligrammes par kilo de terre. Mais seules 343 personnes ont fait un bilan de plombémie. Deux cas de saturnisme infantile ont été détectés l’an dernier revenus aujourd’hui à des seuils sanguins normaux. Reste que ces tests ne sont pertinents qu’en cas de contamination aérienne. Or l’usine est fermée depuis longtemps et la pollution est surtout incrustée dans le sol… Inutiles ?
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« On veut une clarification sur les
concentrations de plomb »

Les habitants des zones concernées par la contamination au plomb autour de l’usine STCM de Fondeyre sont toujours méfiants sur la réponse des pouvoirs publics à leur inquiétude. e moins que l’on puisse dire, c’est que la gestion par les services préfectoraux et sanitaires de la pollution au plomb autour de l’usine STCM de Fondeyre laisse un rien dubitatif les habitants des quartiers qui courent des Minimes à la Barrière de Paris. Passons sur le retard à l’allumage des pouvoirs publics pour prendre enfin en compte la
mesure des risques que représentait une usine de retraitement du plomb classée Seveso 2, qui a fonctionné pendant près de 70 ans aux portes de la ville avant sa fermeture en 2020. Sans prévention particulière. Aujourd’hui que le mal est fait, ce sont les actions mises en œuvre par l’Agence régionale de Santé (ARS) pour évaluer la contamination des populations qui posent question. « Le problème, c’est qu’on a proposé des contrôles sanguins pour dépister éventuellement des cas de saturnisme, une intoxication aiguë ou chronique par le plomb. Mais ces tests sont un non-sens, ils ne peuvent être pertinents qu’en cas de pic de pollution aérien. Ce qui ne peut plus être le cas, vu que l’usine est fermée, que la pollution est profondément incrustée, et que l’on sait que les métaux lourds se logent au plus profond des organes comme le cerveau. Ce sont des biopsies qui seraient le plus efficaces », expliquait déjà, il y a deux ans Marie-Noëlle, une lanceuse d’alerte, domiciliée à environ deux kilomètres à vol d’oiseau de l’usine. Les critiques portent aussi sur les superficies polluées retenues dans le plan de gestion de sols. « Nous demandons une clarification des concentrations de plomb anormalement supérieures aux valeurs d’alertes dans certains secteurs comme la route de Launaguet, les abords du canal ou encore le jardin de la Salade », pointe Serge Baggi, le président du comité de quartier.
Une étude universitaire
« Les courbes de niveau s’arrêtent à 300 milligrammes de plomb présents par kilo de terre, alors qu’il y a des points plus hauts », confirme Léa Sébastien, maître de conférences en géographie à l’université Jean-Jaurès et membre du laboratoire Géode du CNRS. Dans le cadre d’un master « transition environnementale dans les territoires », avec une équipe de
chercheurs interdisciplinaires mêlant chimistes, géographes, sociologues et autres psychologues, elle va engager une étude participative auprès des habitants des zones concernés sur leur perception du risque. « Comment ont-ils vécu l’intrusion de la contamination dans leur quotidien, ont-ils depuis changé leurs habitudes depuis qu’ils en ont été informés, ce sont toutes ces questions que nous voulons aborder avec eux », souligne Léa Sébastien. Des mesures complémentaires de la pollution vont être aussi effectuées dans les sols. Pour un rapport qui sera restitué au printemps prochain. D’ici là les riverains du site de la STCM espèrent avoir des réponses rassurantes.

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« Il faut que la sécurité des gens soit maximale »

Deux ans après le lancement de la surveillance sanitaire autour du site de l’usine STCM, où en est-on ? La dépollution du site est terminée et des analyses de terre aux alentours de l’usine ont été effectuées chez les particuliers en début d’année pour mesurer les teneurs en plomb, mais nous avons toujours des désaccords avec les services de l’État sur la décontamination très partielle du site proprement dit et sur les superficies polluées prises en compte. On a l’impression que l’on veut minimiser les risques… Or, il faut que la sécurité des gens habitant dans le périmètre pollué soit maximale. Le niveau d’information des populations est-il, selon vous, suffisant ?
On peut dire que le secrétaire général de la préfecture est à notre écoute. Nous avons eu du mal au début à avoir des réponses à nos questions, mais, il a demandé aux services de l’État, notamment à l’agence régionale de Santé d’être à notre écoute dans le cadre de la commission de suivi. Ceci dit, nous attendons toujours avec impatience le plan de gestion des sols pollués, qui devait nous être présenté cet été et qui doit être inscrit au plan local d’urbanisme. Nous, nous demandons le remplacement de toutes les terres contaminées par de la terre saine comme il est fait sur les chantiers ou dans les lieux fréquentés par les enfants. Et pas question que le contribuable paye, nous voulons que soit appliqué le principe du pollueur-payeur en l’occurrence la STCM qui appartient au groupe Quexo, l’un des leaders mondiaux du traitement du plomb.
Que va devenir le site de l’usine ?
Un parking, une entreprise de manutention ? Je ne sais pas, ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus classé Seveso 2. Le nouveau plan de prévention des risques technologiques qui vient d’être adopté par la préfecture l’a exclu du périmètre qui ne porte plus que sur le dépôt de carburant Esso, racheté par Rhône énergies. C’est désormais la seule installation industrielle à risques sur le secteur. Il faut savoir que par le passé on a eu des pollutions de la nappe phréatique par des hydrocarbures et deux déraillements de train citerne. Autant dire qu’il faut rester vigilant.
Serge Baggi – Président du comité de quartier Minimes-Barrière de Paris

Recueilli par Gilles-R. Souillés

Lundi 18 novembre 2024

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